Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Milouarchibald

17 juin 2012

Notes sur une autopsie

Sans doute la capitulation de la mémoire est-elle un des moments les plus libérateurs qui soient pour celui qui, un jour au moins, a été tenté par la mégalomanie du savoir. Mais ce n'est qu'au prix de redoutables déchirements intérieurs et d'une inclination inquiétante à la transformation de ses fiches en véritables reliques que l'on achève jamais de rompre.

On aura compris que nous avons ici affaire au totalitarisme intellectuel, j'entends par là cette curiosité métamorphosée en un monstre qui pousse celui qui en est la victime à vouloir contrôler absolument l'ensemble des savoirs et à mettre la main sur ses ressorts, bref à vouloir totaliser l'ensemble de la production scripturale et orale de connaissances.

Si déjà s'esquisse un sourire sur tes lèvres, il faudra te méfier, lecteur, de conclure à la naïveté de notre homme. Les limites de son entreprise lui étaient certes bien connues, ce n'est pas sans peur qu'il établissait un lien entre la condition du Funès de Borgès et la sienne. Mais il faut croire que la volonté était probablement trop forte qui le poussait sans cesse à chercher la méthode la moins imparfaite pour mener à bien son projet insensé. Il fallait bien qu'une rigueur fût découverte ou, mieux encore, inventée, pour qu'enfin le monde prît un semblant de sens. S'il péchait par là, c'est en tant seulement qu'il ignorait que l'abondance des faits encombre et submerge davantage l'esprit qu'elle ne le nourrit et qu'on ne voit clairement dans l'obscurité que si l'on accepte de rester modeste devant l'iceberg et de ne poser les yeux que sur sa partie émergée. L'aveuglement ne peut donc être que le point final de tout totalitarisme intellectuel. En quoi chacun conclura qu'il est préférable de pactiser en dernière analyse avec le diable plutôt que de tyranniser péniblement sa mémoire.

Publicité
Publicité
Milouarchibald
Publicité
Archives
Publicité